Index de l'article

 L'installation en Belgique
 

   Je suis alors resté à Käterfal. Le 4 août, nous avons reçu l’ordre « En voiture ! ». Ils ont ramené des camions, direction la gare. Nous étions riches, à l’époque ! Nous avions au moins trois pianos dans notre compagnie, je ne sais combien d’équipement sportif, quatre ou cinq équipes de football, de l’équipement de boxe… Nous avons tout chargé et l’avons ramené à Aix-la-Chapelle. Là, ils nous ont répartis, douze par mine. Avant cela, personne n’avait parlé de mine. Cela devait être du travail à la ferme, dans des usines et des restaurants. Quand nous sommes arrivés sur place, un autocar est venu nous chercher et a pris une vingtaine d’entre nous : vingt à Zolder, à Bergen, Winterslag, Genk. Ils en prenaient vingt à chaque fois, et en route. Il faisait déjà nuit. Nous sommes arrivés à Hasselt, et de Hasselt à Houthalen, nous avons roulé sur des pavés ! De Houthalen, depuis la mine de Melenberg où l’on devait habiter, la route était pleine de nids de poule et de flaques d’eau ! Et l’autocar, terrible… Mon Dieu ! On n’aurait pas dit l’Europe, mais l’Afrique ! L’autocar s’est arrêté, nous sommes entrés dans la baraque. Oui, comme en Allemagne. Nous dormions à trente-six par baraque ! Des lits superposés les uns à côté des autres. Cela devait être le milieu de la semaine. Le lendemain, nous sommes allés à la commune. Nous avons reçu des passeports temporaires et on nous a emmenés à la mine, on nous a montré ce qu’on allait faire et où on allait le faire. Chacun a reçu 500 francs d’avance. Le samedi, mon tour est venu. C’était la première fois que je descendais, à 800 mètres. Une pelle, une lampe, une hache à la ceinture, une scie, un bidon de café, à manger, et un tuyau d’au moins dix mètres. J’ai emporté tout ça tout seul, j’étais un jeune gaillard à l’époque. Nous avons emprunté un couloir. Il devait faire deux mètres de haut. Tout d’un coup, un trou d’un mètre sur un mètre. Certains ont tout de suite fait demi-tour, ils ne sont pas entrés. Des vingt que nous étions au début, seuls six environ sont restés. Nous avions un contrat pour trois mois. Et après ces trois mois, nous pouvions toujours retourner à Käterfal. J’ai travaillé là-bas pendant dix-huit ans et demi. Pendant treize ans, j’ai été mineur au fond de la mine. Ensuite, quand j’ai commencé à avoir des problèmes aux poumons, ils m’ont donné un travail plus léger à la sécurité. Le salaire était plus bas de 100 francs à l’époque. En extrayant le charbon je gagnais 450 mais quand je suis allé à la sécurité, 350. Voilà comment cela fonctionnait ! J’ai fait 18 ans. En 1965 le médecin de la mine m’a proposé de passer à un autre métier, à la campagne. La mine allait fermer.

J’ai alors commencer à me renseigner et j’ai ouvert une entreprise de secours. J’ai d’abord acheté une première ambulance, puis une deuxième. Nous avons roulé pendant 11 ans : ma femme, moi et les enfants, parce que j’ai quatre fils et une fille. Tout le monde donnait un coup de main. Les garçons ont fait l’armée, l’aîné était mécanicien sur les armes des avions à réaction à l’aéroport de Kleine Brogel. Il a lui-même beaucoup voyagé, en Corse, en France… Et soudain j’ai commencé à avoir des problèmes de cœur. Le médecin m’a interdit de fumer et de travailler. Et moi j’avais un poulailler : sept mille coqs ! Qu’est-ce que j’ai travaillé ! Mais cela valait la peine, parce que nous avons beaucoup aidé les enfants, ils sont tous propriétaires, tous vivent assez bien. Il y a juste qu’au final, c’est ma santé qui ne suit pas. Voilà ma vie en résumé, pourrait-on dire.